Nous avons quitté le Kirghizistan de la même manière, par laquelle, nous y sommes rentrés, c'est-à-dire par des routes défoncées et franchement tape-cul, certes, mais devant des scènes de nature brut - des montagnes aux neiges éternelles, des herbes folles aux reflets dorés virevoltant dans le vent, des troupeaux de chevaux au galop dans la steppe. Et dieu sait, qu'on n'est pas fan des poneys. On ne cessera de vous en parler. L'image est capturée et gravée. L'heure est au bilan de nos 21 jours en terre kirghize, le pays des chevaux sauvages, des lacs et des montagnes.



En regardant nos 300 photos, on a fait un constat assez étonnant. Pas un cliché d'architectures citadines, monuments ou bâtiments n'est à dénombrer. Non pas qu'on n'a pas voulu en immortaliser les lignes, mais c'est qu'il n'y en avait simplement pas, du moins pas comme on peut l'entendre quand on visite Paris, l'objectif affûté comme un paparazzi. La richesse du pays est bien ailleurs. On s'est délecté des paysages gracieusement offert par dame nature. C'était mieux que tous les tableaux impressionnistes réunis. Au commencement de l'automne, il faut imaginer des milliers de petites touches de couleurs allant dans les extrêmes de chaque ton : du vert au rouge brique en passant par l'orangé et le jaune-doré. Le pays se vend de lui-même. Jour après jour, c'est un dépliant de paysages plus beaux les uns que les autres qui s'offrent à nous : Mais tous ça, se mérite.


Nous qui voulions ménager notre vieux camion après la réussite sans accrocs de la Pamir highway, c'est loupé ! Le Kirghizistan a aussi ces côtes fâcheux. En dehors des sentiers battus, la route devient vite impossible. Nous sommes passés à côté de certains lieux comme le pic Lénine, que nous avons admiré de loin le cul planté dans la pampa. Pourtant, le pilote était toujours entrain à pousser Jeannot un peu plus loin dans ses retranchements, mais des nids d'autruches, des mètres de sables et des nuages de poussières ont souvent eu raison de notre volonté. En somme, nous avons fait un trajet plutôt classique du pays, mais qui nous a donné de belles connaissances de base. Sans vouloir faire des infidélités à notre fidèle popo, on reviendra avec un 4x4 sovietico-allemand pour l'enrichissement.



On a aussi dû donner de notre personne, pour aller découvrir les superbes lacs de hautes montagnes inaccessibles ou difficilement accessibles en voiture. On a commencé par un trek de trois jours à cheval pour rejoindre le lac Song Kul. On s'est dit à voix basse "chouette, on ne va pas trop en chier, juste profiter !". Bruit d'un buzzer de jeux télé qui annonce une mauvaise réponse d'un candidat. Dirigé par notre guide expérimenté de 15 ans, le trajet ne fut pas de tout repos pour les novices en équitation que nous sommes. Les cuisses tendues, le cul douloureux et les genoux en miette, on a mis plusieurs jours à se remettre. On a dû assumer pendant quelques jours une pelade cloquée du nez pour cause d'oubli de crème solaire. Mais les douleurs sont vite oubliées au profit du spectacle. Bien sûr encore et toujours des montagnes... Certaines enneigées, d'autre difficile à grimper, mais toujours le plaisir immense de se sentir entièrement vivant lorsque l'air frais frappe le visage arrivé au sommet. À ce moment, on aurait voulu être nul part ailleurs qu'ici. À dormir à même le sol dans ces petites yourtes chauffées au poêle (poil) en dégustant les mets réconfortants de nos hôtes attentifs.


Pas entièrement remis, on a rempilé à pied cette fois. Depuis notre point départ Kochkor, nous avons rejoint à pied le lac de Kul Ukok. Les 6 h de marche furent un excellent décrassage pour nos corps cassés. La vue toute aussi gratifiante de l'effort. La nuit en yourte, quant à elle, fut des plus folkloriques. À l'heure de rejoindre notre nid pour la nuit, nous n'avons pas de chauffage par des températures négatives. En plus de ne pas pouvoir bouger sous la pile des lourdes couvertures dont nous a recouvert notre hôte, nous avons la visite d'une armée de souris venant gratter dans les sacs de nourriture, ayant le culot de ne même pas se cacher ça la lumière de nos lampes frontales... Nous avons été déclassé dans la yourte attitrée "garde manger"! Le retour se fait boueux sous une pluie insistante et continu dans un temps record, exténué nous arrivons à temps pour rejoindre notre taxi qui, heureusement, ne nous a pas fait faux bond pour rejoindre la ville !



Il nous fallait bien quelques jours de repos après toutes ces (més)aventures. En visitant le canyon de Skaska, au hasard du voyage, nous sommes retombés sur Sandro, Fanny et leur chien Tika, croisés furtivement quelques jours auparavant. Nous avons décidé de partager un campement et quelques jours de repos, sans route, près du lac de Karakol. Avec leur camion en surcharge Bender, ils sont allés jusqu'en Mongolie et entament leurs retour au moment de nos RTT ( repos tout terrain) communs. On est tout content de pouvoir jouer à des jeux de société à plus de deux et surtout de jouer avec d'autres joueurs. En 7 mois, on connaît toutes les stratégies et les mimiques de faciès relatifs au bluff de notre partenaire respectif. La bâche commune n'aura pas tenu la tempête, mais nos camions respectifs font office d'abris et ne gâchent en rien l'heure de l'apéro. Après cette pause des plus revigorante, nous profitons des jolies vallées aux alentours (Barksoon, Ak Su, Jeti Orguz) qui bordent le grand lac. L'une d'elles est le départ pour rejoindre le lac stressant d'Ala-kul. Malheureusement, nous arrivons déjà trop tard pour cette randonnée mythique du pays. La neige et surtout l'absence de yourte pour faire escale ne nous permettrons pas d'y aller. La nature a ses caprices. On s'est réconforté avec une belle après midi dans les sources d'eau chaude d'Ak Su.



Un coup de cœur nature. Mais pas seulement. On ne pouvait achever cet article sans parler d'autres richesses du pays, notamment les bazars. On a arpenté ces lieux de vie dans toutes les villes qu'on a pu traversé de manières compulsives et insassiables. On a acheté des légumes du jardin, des fruits de saison à des prix scandaleusement bas. On a négocié des fruits secs, des noix. On s'est écœuré de salades d'herbes. On a fait la grimace en goûtant les boulettes de fromage de chèvre. Et pourtant, on en a acheté 1 kg, pour vous faire tous goûter et vous voir faire la même. On n'a pas pu dire non à un vendeur persuasif pour 6 kg de pommes, et grâce à lui, on a pu du coup se faire de la compote inexistante dans tous les magasins depuis notre départ. On a dégoté des épices de quoi assaisonner pour une année de shashlicks (brochettes). On a admiré le savoir faire manuel des vêtements et objets traditionnelles, les couleurs des tissus. On a juste pas craqué pour la viande, bien que la sachant issue des gigantesques troupeaux qu'on a vu maître en toute liberté. Mais on a fait nos plus belles photos à la voir pendouiller, butinée par des centaines de guêpes. Et bien sûr, la richesse des gens, leur gentillesse, et leur accueil malgré la barrière des langues. Le partage se vit autrement que par la parole, par les gestes, les attentions ou même quelques dessins d'un carnet partagé.



Nous avons atteint le point le plus éloigné de notre voyage. Vous et nous savons ce que cela veut dire... Il est temps de faire demi-tour et d'amorcer notre retour. Vu comme ca, ça paraît un peu triste. Bien qu'on n'est pas du tout envie de rentrer, désolé papa, désolé maman, on a choisi d'aborder ce changement de cap contrariant de manière positive. On a encore quelques mois de voyage devant nous, de nouveaux pays à découvrir, de nouvelles aventures à vivre, et encore quelques articles qu'on sera ravi de partager, toujours, avec vous.