Le Kazakhstan. Nous avons regardé la carte comme deux niais. On est resté l'air hébété. Nous l'avons rangé. Nous l'avons ressorti. Nous avons pris une grande respiration. Et on s'est mis à calculer toutes les distances d'est en ouest, du nord au sud. On a échafaudé des plans de A jusqu'à Z avec des "si" et des "mais". Et surtout des gros points d'interrogation. Ce pays, c'était le pays qui faisait peur avant même de partir, non pas parce qu'il finissait par an et rimait avec Afghanistan, mais à cause de son immensité. Plus de chameaux que d'habitants au mètre carré. Une immensité désertique dont nous sommes, pas sans mal, venue à bout et malgré les kilomètres de rien nous avons trouvé à raconter.


Notre périple kazakh commence à l'extrême est du pays. Nous avons repoussé le moment de retrouver la ville. On a un fait un détour par le moon canyon, conduit dans le lit d'un fleuve asséché qui ne menait à pas-grand-chose puis fait un détour au Sharyn canyon, dont certains, pas nous, le compare aux grands canyons américains. On a fait un détour à la station-service. On a même ralenti, on en rajoute. Et puis on est arrivé au point où il n'y avait plus de détour possible et où il a fallu arriver en ville. Rude retour à la vie moderne ! On s'est faufilé t'en bien que mal sur les grandes avenues d'Almaty embouteillées de voitures luxueuses et flambantes neuves. Autant dire qu'on faisait tâche. Il a fallu se faire à l'idée que c'était bien fini les steppes et les yourtes. D'autant plus qu'on a dû prendre notre mal en patience en attendant notre visa russe. Une longue semaine a rongé nos os. On n'a pu découvrir la ville sous tous les angles. Bien résolu à ne pas y céder, on a quand même craqué dans les temples de la consommation. On a alors pris les jambes notre cou, et on est retourné à la montagne à deux pas aux portes de la ville, un des plus beaux atouts d'Almaty.



Durant cette pause forcée, nous avons préparé la suite du voyage. Échec cuisant du projet " Je met ma voiture sur un train qui traverse le désert kazakh jusqu'à Kiev". On a même pas voulu nous annoncer le prix sûrement exorbitant. On a ensuite envisagé juste une petite virée dans le pays en roro, ces camions transporteurs. Hors gabarit notre jean. Encore à l'unanimité, un conseil, faites le trajet vous-même. Alors on a dû se résoudre à accepter, il va falloir se farcir les 2700 km qui nous séparent de la frontière russe et surtout arriver à temps pour la validité de notre visa de transit, qui nous laisse lui-même 5 jours pour traverser le sud jusqu'à l'Ukraine. Pas de tout repos. On en a des suées d'avance. 


Expression qui est passée du sens propre au sens figuré lorsqu'à mi-parcours, les roues avant ce sont mises à faire trembler l'habitacle. On s'est arrêté au premier patelin du coin pour tenter de résoudre le problème chez un garagiste. Bien entendu à notre bol habituel, on est tombé sur les "garagistes" les plus glands du quartier: une pièce à moitié changée et un parallélisme fait à grand coup de pied. Pas besoin de machine, le patron nous vente le grand "master", le roi de l'alignement et son œil inégalable. On vous laisse imaginer la scène et autant vous dire que c'était pas mieux voir pire. "Ok, good good !" Fiers comme des coqs, ils étaient. On a souri forcé, décliné le repas qu'il nous proposait et très vite parti en disant que tout était réglé. On a dû dégainé notre plan B. On a repris la route et serré les fesses très fort dans le but d'arriver jusqu'à la prochaine ville. On a finalement trouvé un vrai garage avec de vrais treuils élévateurs, des vraies clefs à molette. Quelques heures après, on a pu reprendre la route. Et avaler les derniers kilomètres. Jusqu'à notre arrivée à Oural dernière ville Kazak avant la frontière russe.



Nous profitons de cette pause désertique où les kilomètres de bitume défilent et les aventures se font rares pour parler un peu de notre quotidien à bord de notre maison à 4 roues. Vivre dans 9 m2 est un vrai défi au quotidien. D'autant plus lorsqu'on est deux. Avant de partir, on s'est délesté de tout le superflu. On a littéralement pris deux slips et trois pulls. Nos affaires tiennent approximativement dans deux gros sacs à dos. On ne vous dit pas que ça a été simple, oh non ! Ni qu'on ne sera pas content de retrouver le petit perfecto et slim Levis qui va bien. Mais finalement, rien ne nous manque réellement. Rien de matériel du moins. On a appris à vivre autrement. Peut-être plus simplement. Le budget est bouclé et non-extensible. Les frustrations du t-shirt trop porté laisse vite place à l'envie d'avancer, de visiter, de découvrir, de vivre des expériences inédites qui ne passera pas comme la dernière mode du moment, mais laissera une empreinte sur nous à vie. 


On est pas peu fier de notre aménagement qui nous laisse une grande Liberté. On adapte et on module le camion en fonction de nos activités et de nos envies. Il prend un air de bureau quand on décide de se lancer dans la mise à jour de notre CV.Qui a dit qu'on ne travaillait pas même en voyage ? La banquette se transforme en canapé qu'on a surnommé - chill de la mort - pour les dimanches pluvieux devant un bon film. On déplie le lit après une journée de route où l'on tombe de fatigue. On pivote le siège avant et on déplie la table, on se trouve alors dans notre salle à manger, on mijoté des bon petits plats dont les inspirations nous viennent directement des pays que l'on a traversé. On a du faire quelques concessions sur nos goûts décoratifs pour plus de pratiques, après avoir plusieurs fois vu des oignons volés à travers le camion, ramassé à peu près 5 fois les draps et les serviettes, épongé le liquide vaisselle mal fermé et balancé par la route. On s'y sent comme à la maison. Ce qui explique qu'on n'est pas l'envie de rentrer. On est partout chez nous.



Pourtant chaud matin est différent. Le petit plus de voyager en van, c'est que chaque matin on a la chance de se réveiller dans un lieu nouveau. Le rituel reste le même. On aime quand on peut se laisser surprendre par le jour qui se lève. Quelques rayons matinaux viennent chauffer nos corps inerte et froid de la nuit. Une douce lumière envahie peu à peu l'habitacle. L'air ambiant, se réchauffe. Un de nous brave la fraîcheur pour découvrir une fenêtre puis une autre. Si le lieu le permet, on ouvre la grande porte latérale et on profite du matin qui se lève en même temps que la nature qui s'éveille. Les matins pluvieux ont aussi leur charme. On hiberne en attendant des jours meilleurs. Notre camion est notre meilleur refuge. Les matins s'enchaînent, mais les cadres diffèrent. Petit déjeuner en face d'une rivière, une montagne, dans la steppe ou encore en ville. Ce matin, nous étions dans le désert le ciel était en feu et l'air glacial. On aurait bien hiverné toute la journée.


Mais nous avons était bien matinal, car il nous fallait reprendre la route et clore à tout jamais cette traversée. Bien que cet épisode kazakh n'est pas étaient des plus trépidants, on a quand même profité des quelques attraits du pays : la main d'œuvre et les pièces auto à bas coûts, les pleins d'essence à 20 euros, et pour vous pauvres fumeurs, rasia de clopes disponible sur commande à notre retour. Règlement en espèce, chèque, carte bleue. Adieu la vie pas cher, bonjour l'Europe!